L'enfer du décor (Le destin du touriste)

A ceux qui jugeraient que l'écrivain portugais Rui Zink pousse le bouchon un peu loin dans son roman Le destin du touriste, il n'est pas inutile de préciser qu'il existe déjà des agences spécialisées dans des voyages organisés extrêmes, que ce soit en Irak ou aux abords de Tchernobyl, aux risques et périls des participants, bien entendu. Le livre est censé se passer dans un futur proche, une dystopie à la manière d'un Orwell ou Huxley, dans laquelle l'auteur affiche d'emblée la couleur : ce sera un ouvrage sarcastique, provocateur, méchant comme un pou. Dans sa première partie, nous suivons Greg, touriste individuel, qui semble se démarquer de ses congénères venus visiter en "troupeau" un pays en pleine guerre civile et se donner le frisson suprême, une bonne dose d'adrénaline à côtoyer la misère et la mort, dans un confort tout relatif. Greg, lui, cynique intégral et personnage suicidaire, ne semble poursuivre qu'un seul but, lequel se révèle assez vite dans le livre (laissons cependant planer le mystère). Dans un deuxième temps, le roman devient haché, divisé en de courts chapitres, et Zink, en révélant l'enfer du décor, qui est un peu différent de ce que l'on imaginait, se fait sociologue, dévoilant à mo(r)ts couverts où l'action se passe réellement (laissons toujours planer le mystère). Ce changement de focale est moins convaincant dans le sens où l'auteur force un peu le trait, abandonnant peu à peu le conte satirique pour une réflexion moraliste sur le devenir de nos civilisations. L'impression finale reste mitigée, celle d'avoir lu un ouvrage hybride, habile pour créer un malaise certain, manipulateur et un peu bâclé, mais dont le comique de répétition et l'ironie cinglante laissent cependant une trace durable. Il faut bien reconnaître à Rui Zink un vrai talent pour souffler le show et l'effroi.



30/03/2011
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