Un amour clandestin (Les amants papillons)
"Pire qu'un juif, à peine mieux qu'un chien." Telle était la considération dont jouissaient les émigrés chinois en Nouvelle-Zélande au tournant du XXème siècle. Alison Wong, auteure de Les amants papillons (traduction approximative de As the Earth turns Silver) sait de quoi elle parle car si elle réfute le terme d'auto-biographie pour son roman, il n'est pas interdit de penser que l'histoire de sa famille l'a beaucoup nourrie. Alison Wong est une poétesse et son premier ouvrage de fiction s'en ressent, pour notre plus grand bonheur, avec cette atmosphère ethérée qui contraste avec la dureté et la violence de l'époque. Racisme, mais aussi émancipation des femmes, sont au coeur de ce livre qui raconte un amour interdit et, par conséquent, clandestin. Katherine et Yung deviennent ainsi des amants de la nuit puisque leur amour n'est pas convenable en plein jour. L'écriture d'Alison Wong, au-delà de ses qualités poétiques, est un modèle de précision (voir la description de l'échoppe des frères Wong ou l'évocation de la Chine pré-révolutionnaire du début du siècle dernier). La romancière n'a pas besoin de surligner, elle frôle de ses ailes les sentiments et les actes de ses personnages avec une pudeur rare qui n'en est pas moins explicite. Un beau premier roman tout en doigté et sensibilité blessée.
