Adieu cher commissaire (L'homme inquiet)

"Il pense qu'il avait tendance à se souvenir de ce qu'il aurait voulu oublier et à oublier ce dont il aurait voulu se souvenir."
Cette fois, c'est fini. Avec L'homme inquiet, Henning Mankell donne congé au commissaire Wallander. Nous ne le reverrons plus, ce compagnon bourru de nos lectures, depuis près de 20 ans. Et c'est triste, comme de perdre un vieil ami, qui donnait régulièrement de ses nouvelles, et que l'on aimait bien, malgré son caractère de cochon et sa misanthropie qui ne faisait que croître, au fil des années. Adieu, cher commissaire.
C'est un Wallander mal en point et le plus souvent pathétique, il vient d'avoir 60 ans, que nous dépeint Mankell dans L'homme inquiet. Qui a conscience d'être arrivé à un point de non retour en entrant pour de bon dans un monde de ténèbres, celui de la vieillesse. Solitude, auto-apitoiement, désenchantement, mélancolie aigüe, alcoolisme épisodique, le héros a du plomb dans l'aile. Et physiquement, les alertes se multiplient : diabète, hypertension, problèmes cardiaques, pertes de mémoire ... Il n'est pas à l'article de la mort, non, mais c'est comme si sa vie défilait devant ses yeux hagards avec la réapparition pitoyable de ceux, et surtout celles, qui ont compté dans son existence : notamment son ex-femme et son grand amour de Lettonie. Seul rayon de soleil : il est grand-père d'une petite Klara. Pour l'ultime apparition de Wallander, Mankell a imaginé une sorte de requiem pour homme au bout de rouleau. Terrible.
Et l'aspect polar dans tout cela ? Au second plan. L'enquête du commissaire s'emballe, s'arrête un moment, resurgit et finit plus ou moins en queue de poisson. Elle n'est pas inintéressante pourtant, légèrement bâclée, mais peu importe. Elle renvoie aux années de la guerre froide, au personnage controversé d'Olof Palme, époque pendant laquelle la pseudo-neutralité de la Suède était un leurre alors qu'espions soviétiques et américains pullulaient dans les cafés du vieux Stockholm. Même cette enquête est douloureuse pour Wallander qui s'aperçoit, un peu tard, qu'il a été incapable de comprendre la politique de son pays et qu'il a vécu des années avec des oeillères. Pauvre de lui !
On l'a compris, l'écrivain ne fait pas de cadeau à son héros récurrent, au moment de l'abandonner. Pas plus qu'à son propre pays, d'ailleurs, dont il dénonce, ce n'est pas la première fois, l'hypocrisie et les dérives sécuritaires et xénophobes.
Les amateurs de thriller pur ne trouveront pas leur compte dans ce dernier Wallander. Ceux qui considèrent que Mankell est bien plus qu'un simple auteur de polars auront, eux, le bonheur de découvrir l'un de ses plus beaux romans. Noir et désespéré, au plus profond d'une froide nuit scanienne.



05/11/2010
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