Oldies


Récolte de vieux films (Avril/1)


Les larmes d'une femme (Nyonin aishu, Mikio Naruse, 1937)
Après avoir consenti à un mariage arrangé, Hiroko se retrouve au sein d'une famille qui l'utilise comme véritable bonne à tout faire, son mari la considérant comme un objet de décoration. Ce portrait de femme, qui doit choisir entre l'asservissement et la liberté, préfigure les figures féminines des grands films de Naruse des années 50. Les larmes d'une femme est une oeuvre simple, d'une grande maîtrise technique, qui est déjà un manifeste pour l'émancipation de la femme dans le Japon conservateur de la fin des années 30. Joli film.

La fille sur la balançoire (The girl in the red velvet swing, Richard Fleischer, 1955)
Toute la flamboyance du technicolor dans ce drame écarlate tiré d'une célèbre affaire du début du XXe siècle (que Chabrol reprit dans La fille coupée en deux). Censure oblige, Fleischer ne put que suggérer la passion perverse entre le vieux Ray Milland et la jeune et superbe Joan Collins. Farley Granger y trouve pour sa part l'un de ses meilleurs rôles. Un très bon film, qui aurait pu accéder au rang de chef d'oeuvre si le cinéaste avait eu l'opportunité d'accentuer le malaise de cette histoire malsaine. La dernière scène, qui justifie le titre du film, est en tous cas inoubliable.

Indiscret (Indiscreet, Stanley Donen, 1958)
Une comédie de moeurs sophistiquée, telle qu'elle se pratiquait avec plus de régularité dans le cinéma des années 30. D'où, peut-être, une impression de superficialité, derrière le marivaudage. On y décèle cependant une once de pessimisme dans le rapport amoureux, comme préfigurant le sujet de Voyage à deux, du même Donen, 9 ans plus tard. Pour la scintillance des dialogues, on ne boudera cependant pas son plaisir. Avec une Ingrid Bergman rayonnante et un Grant Carysmatique.

Gumshoe (Stephen Frears, 1971)
Un premier long-métrage sous le signe du pastiche/hommage au film noir. L'intrigue est plus embrouillée que dans un Chandler, mais il y a des répliques qui tuent, une plongée intéressante dans le Liverpool des classes modestes et un Albert Finney épatant en Humphrey Bogart du pauvre. Après cet échec public, Frears se consacrera à la télé avant de trouver la notoriété au cinéma avec The Hit, en 1984.


Le filet (La red, Emilio Fernandez, 1953)
Une hutte sur la côte mexicaine. Une femme et deux hommes, recherchés par la police. Le filet n'est pas pour rien le film le plus emblématique de l'oeuvre d'Emilio Fernandez. Le récit est épuré, les dialogues se limitent à quelques phrases, tout n'est que huis-clos à ciel ouvert, avec l'océan pour témoin. Les qualités plastiques du Filet sont évidentes, son symbolisme érotique parfois embarrassant, mais qu'importe. C'est le désir animal qui fait avancer cette histoire, aux accents primitifs, symbolisé par Rosanna Podesta, bombe sexuelle à l'état pur. 25 ans plus tard, Fernandez tournera un remake en couleurs sous le titre explicite d'Erotica. Très inférieur à l'original.




05/04/2011
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Récolte de vieux films (Mars/5)


La clé sous la porte (Key to the city, George Sidney, 1950)
Au congrès des maires à San Francisco, Clark Gable et l'adorable Loretta Young se retrouvent en prison plus souvent qu'à leur tour. N'ayez crainte, le rustre et la vierge glacée finiront ensemble, après moult péripéties. De la très bonne comédie américaine, sans trace de gras, qui n'a pas pris une ride.

La soeur blanche (The white sister, Victor Fleming, 1933)
On a beau s'appeler Clark Gable, ce n'est pas si simple d'épouser l'élue de son coeur. Primo, ladite est déjà promise à un homme de son rang car princesse elle est ; deuxio, alors que l'affaire s'annonce bien, le père de la jeune femme meurt dans un accident de voiture ; tertio, la guerre sépare les amoureux et, croyant son fiancé tombé au combat, sa fiancée se fait nonne. Malgré tout cela, Gable mettra t-il une Clark au destin qui l'empêche de s'unir à sa belle ? Révélation dans les dernières minutes de ce mélodrame gratiné, mal maîtrisé par Fleming, qui souffre du manque d'aura de Helen Hayes.

The Affairs of Martha (Jules Dassin, 1942)
Les habitants d'une petite communauté sont en ébullition lorsqu'une femme de chambre est sur le point de révéler les petits secrets du village. Un prétexte pour cette oeuvre de jeunesse de Dassin pour épingler gentiment les comportements bourgeois et hypocrites des nantis. C'est une comédie romantique burlesque avant tout, menée à un rythme d'enfer, avec des dialogues qui crépitent comme un feu de cheminée. Marsha Hunt est sublime en petite bonne plus finaude qu'on ne pense. Belle actrice, d'ailleurs, dont la carrière fut en grande partie brisée par le maccarthysme, comme celle de son metteur en scène.


Gipsy (The Gypsy and the Gentleman, 1958)
Au début du XIXe siècle, un aristocrate désargenté se consume d'amour pour une gitane sans filtre. Celle-ci n'en veut qu'à son présumé argent. Tourné durant sa période anglaise, entre Temps sans pitié et L'enquête de l'inspecteur Morgan, soit deux films remarquables, ce mélodrame flamboyant use de tous les ingrédients du genre sans vergogne, et c'est ce qui fait son charme fruste. Melina Mercouri, bohémienne céleste, joue comme si sa vie en dépendait. On est loin du Losey intellectuel, mais ça vaut le détour.




31/03/2011
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Récolte de vieux films (Mars/4)


La tendre ennemie (Max Ophüls, 1936)
Trois fantômes se rejoignent le soir des fiançailles d'une jeune fille, l'un d'entre eux est son père, le deuxième l'amant de sa mère, le troisième son premier amour. Cette fantaisie de la première période française du grand Max est moins un film fantastique, malgré les effets spéciaux, qu'une vive critique des mariages de convenances et une ode à l'amour véritable. C'est assez daté, mais joliment filmé, plein d'ironie et d'humour pétillant.

La ronde des pantins (Idiot's delight, Clarence Brown, 1939)
Adapté d'une pièce signée d'un lauréat du prix Pulitzer, le film raconte comment divers personnages, coincés dans une station alpine, vivent le début d'une nouvelle guerre mondiale. Sachant qu'il est sorti en janvier 1939, c'est une fiction prémonitoire dont le but est, semble t-il, de railler les régimes fascistes. Très bien, mais le scénario a dû être écrit avec des moufles parce que le message est à peine lisible. A la fois film satirique, comédie musicale (avec Gable qui danse, et ce n'est pas ce qu'il fait de mieux) et drame improbable. Le pire est le jeu de Norma Shearer, affublée d'un atroce accent russe, sans doute destiné à parodier les rôles "exotiques" de Garbo. Ridicule !

Aniki Bobo (Manoel de Oliveira, 1942)
Au temps de son premier long-métrage, Manoel de Oliveira était encore un jeunot, 34 ans seulement ! On a vu dans Aniki Bobo un film précurseur du néo-réalisme et il est vrai que cette chronique d'enfance, dans sa bonne ville de Porto, ressemble quelque peu à du de Sica. L'intrigue, assez mince, pourrait se passer dans le monde des adultes : amitié, amour, trahison, lâcheté, jalousie ... Elle est cependant proche du burlesque par bien des côtés, avec une bienveillance qui s'efface parfois devant le drame et le sentiment de la culpabilité avec une scène qui appartient clairement à l'expressionnisme. C'est la naïveté poétique de l'ensemble qui emporte l'adhésion, totalement maîtrisée par une mise en scène d'une fluidité parfaite.


Jeune Amérique (Young America, Frank Borzage, 1932)
La délinquance juvénile traitée de façon simple, naïve se dit le spectateur d'aujourd'hui, mais quel leçon de mise en scène. Oui, l'homme est bon, au fond, nous dit Borzage, surtout à 13 ans quand tous les champs du possible sont ouverts. Riez, cyniques, pleurez, cinéphiles, ce mélodrame humaniste est grandiose. Et le jeune Spencer Tracy, bougon de façade, est magnifique. Cher Frank, vous avez beau être décédé depuis belle lurette, je vous serre la main.


25/03/2011
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Récolte de vieux films (Mars/3)


Un envoyé très spécial (Too hot to handle, Jack Conway, 1938)
Clark Gable est reporter d'images d'actualités. Et il bidonne plus souvent qu'à son tour, préférant les cabarets de Shanghaï aux bombardements pendant la guerre civile. Un film d'aventures exotiques dans la plus pure tradition, follement divertissant. Et Clark est formiGable !

Pour plaire à sa belle (To please a Lady, Clarence Brown, 1950)
Le titre, idiot, laisse penser qu'il s'agit d'une bluette romantique. Nullement, les personnages incarnés par Gable, macho arrogant, et Stanwyck, femme d'affaires et de tête, sont d'un cynisme à toute épreuve et leur idylle a quelque chose de désespéré. Maintenant, l'intérêt principal du film vient des courses de voitures de ce début des années 50, rendues de façon spectaculaire.

Fascination (Possessed, Clarence Brown, 1931)
Cela semble anodin aujourd'hui mais l'histoire de cette femme entretenue, et libérée, a beaucoup choqué à l'époque et notamment la censure. On est dans un mélo sentimental sans envergure qui se laisse voir un jour de disette. Joan Crawford n'a aucun mal à croquer tout crû un Gable un peu éteint.

L'aventure (Adventure, Victor Fleming, 1945)
L'avant-dernier film de Fleming et, surtout, le grand retour de Clark Gable après trois ans d'absence (la mort de Carole Lombard, la guerre). D'aventure il y en a guère dans ce film honnête, trop étiré, qui se termine en mélodrame. Tout est contenu dans les rapports entre le marin volage (Gable, passable) et la bibliothécaire coincée (Greer Garson, splendide). L'intérêt s'émousse au fil des longues minutes.

Si Paris nous était conté (Sacha Guitry, 1955)
Après le succès populaire de Si Versailles m'était conté, Guitry enchaîne avec une histoire de Paris, fantaisiste et volontiers frondeuse. C'est qu'il a ses têtes, le Guitry, et il n'a de cesse de louer l'esprit de Voltaire et de proclamer l'innocence de Marie-Antoinette. Pas très emballé par la Révolution, il escamote les périodes qui l'ennuient et fait totalement l'impasse sur la première moitié du XXe siècle. Ce qui est rigolo, c'est le défilé de têtes connues, qu'elles soient historiques ou interprétées par les plus grandes vedettes de l'époque : Darrieux, Morgan et un Gérard Philipe en trouvère qui réclame un toit pour les sans-logis. Pas si poussiéreux que cela, le cinéma de Guitry !


Trois chambres à Manhattan (Marcel Carné, 1965)
Une adaptation de Simenon, dans une atmosphère grisâtre d'un New York qui poisse. Le film fut démoli par la critique à sa sortie, il est vrai que Carné n'avait pas la "carte" auprès des jeunes loups de la Nouvelle vague. Malgré l'absence de rythme, le ton jazzy de cette rencontre de deux solitudes, d'un bar de nuit à l'autre, de whisky en whisky, de cigarettes en cigarettes, est fascinant. Il rappelle d'ailleurs certains films américains des années 50, de Wise, Ritt ou Rossen. Maurice Ronet est très bon et Annie Girardot, carrément exceptionnelle, a été récompensée au festival de Venise.




21/03/2011
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Récolte de vieux films (Mars/2)


Ladies of Leisure (Frank Capra, 1930)
Il existe une version muette du film, qui est largement inférieure, parait-il. Non que ce soit un chef d'oeuvre car il faut attendre la dernière demi-heure pour retrouver la vista et le sens du timing de Capra. A priori, c'est une comédie romantique. Genre la Party Girl, de base extraction, qui tombe amoureux du fils de bonne famille, lequel se la joue artiste, avant de reprendre l'entreprise de papa. Sauf que non, Capra knows better. Et le mélodrame pointe le bout de son nez, dans un dénouement joliment concocté, qui fait oublier le caractère bavard et statique de l'entreprise. Le film est surtout pour la jeune Barbara Stanwyck l'occasion de montrer l'étendue de son talent. Mission accomplie, elle devint star et le resta.

Acteurs ambulants (Tabi yakusha, Mikio Naruse, 1940)
Au début des années 40, les studios japonais devaient se plier à des consignes très strictes : tourner des films gais et ne parler en aucune façon de la guerre. Naruse tourne donc une comédie qui semble quelque peu éloignée de son style habituel. C'est oublier un peu vite qu'il en a déjà tournée dans la décennie précédente et que le genre lui sied plutôt. Le film se focalise sur deux acteurs dont le rôle, dans une pantomime jouée dans les villages (une parodie de kabuki), est d'endosser le costume d'un cheval, le public ne voyant que leurs pieds. L'intrigue est toute simple et n'est pas tordante de rire, nonobstant l'extrême importance que se donnent ces deux comédiens qui ont la conviction d'exercer pleinement leur art (surtout celui qui fait bouger les pattes antérieures) et qui en profitent pour emballer les serveuses de bar qui s'ennuient. Cette oeuvre plaisante, qui se donne des airs de fable, permet au passage de découvrir le Japon rural et le quotidien d'une troupe d'acteurs pas très reluisante.

Jeune Amérique (Young America, Frank Borzage, 1932)
La délinquance juvénile traitée de façon simple, naïve se dit le spectateur d'aujourd'hui, mais quel leçon de mise en scène. Oui, l'homme est bon, au fond, nous dit Borzage, surtout à 13 ans quand tous les champs du possible sont ouverts. Riez, cyniques, pleurez, cinéphiles, ce mélodrame humaniste est grandiose. Et le jeune Spencer Tracy, bougon de façade, est magnifique. Cher Frank, vous avez beau être décédé depuis belle lurette, je vous serre la main.

Le moulin du Pô (Il mulino del Po, Alberto Lattuada, 1949)
De la carrière de Lattuada, on pourrait qu'elle a commencé et s'est terminée par des oeuvres insignifiantes. Mais entre les deux, grosso modo de 1949 à la fin des années 60, sa filmographie est particulièrement intéressante, au moins autant que celle d'un Comencini ou Monicelli, par exemple. Le moulin du Pô, qui décrit la révolte de paysans contre les grands propriétaires terriens, en 1880, a dans ses meilleurs moments des allures de grand film soviétique. L'outrance de l'interprétation passe plutôt bien dans ce drame social et intime, clairement engagé, et particulièrement bien filmé dans un noir et blanc somptueux. Un film prolétaire, co-scénarisé par Fellini, que l'on a classé, abusivement, dans la veine du néo-réalisme.


Le retour (Homecoming, Mervyn LeRoy, 1948)
Mervyn LeRoy n'est pas n'importe qui. Son seul tort est d'avoir excellé dans tous les genres cinématographiques et d'être impossible à ranger dans une case. Le mélodrame de guerre est cependant son domaine de prédilection, avec son chef d'oeuvre : La valse dans l'ombre. Le retour n'est pas loin de le valoir. Lui manque un montage plus serré et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, un peu moins de pudeur. On sort les mouchoirs quand même, pour cette histoire d'un chirurgien égoïste que les combats vont changer de fond en comble. Gable est impeccable, comme d'habitude, et la surprise vient de Lana Turner, déglamourisée, au naturel, prodigieuse en infirmière qui perd pied peu à peu. Superbes (le film et Lana).




19/03/2011
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