N'oublie pas que tu vas mourir (Des hommes et des dieux)

Le deuxième film de Xavier Beauvois s'appelait N'oublie pas que tu vas mourir. Un titre qui aurait bien convenu à Des hommes et des dieux, Grand prix du dernier festival de Cannes et qui peut postuler, sans l'ombre du doute, au rang de meilleur film français de l'année. Des hommes et des dieux, en effet, pas des saints et des dieux. Tout l'enjeu pour ces huit moines en Algérie, semble tenir en cette interrogation : vaut-il mieux partir ou martyr ? La réponse n'est pas simple, d'autant que la question est perfide et peut se poser autrement. C'est tout l'enjeu dialectique de ces discussions qui réunissent ces hommes de foi à plusieurs reprises et qui reviennent comme un leitmotiv lancinant. Des scènes magnifiques, sobrement filmés, où la parole est partagée entre ces apôtres de la paix, déchirés par le choix qu'il leur est donné de faire. Des hommes et des dieux n'est pas un film religieux au sens strict du terme, il a à voir avec le spirituel, bien sûr, mais surtout avec la part d'humanité, de lâcheté ou de courage qui est en chacun de nous. Athées et agnostiques peuvent le voir sans appréhension, ils seront eux aussi touchés par cette histoire d'hommes qui sont leurs frères de doute. Au-delà du dilemme de ces moines, Beauvois n'esquive pas le caractère politique du récit ni celui de la cohabitation des religions en cette terre du Maghreb. Il n'insiste pas outre mesure, et certains lui reprocheront peut-être de ne pas avoir approfondi, mais ce n'est pas son sujet. Et puis, il y a La Scène, peu avant la fin, celle qui bouleverse au-delà des mots : la musique du Lac des cygnes, une table et des moines qui partagent un repas (le dernier). Gros plans sur des visages creusés qui sourient, rient, se figent, comme une épiphanie, déjà un moment d'éternité. Sublime. Ce serait péché que de sortir du lot une interprétation plutôt qu'une autre, mais comment ne pas louer le jeu de Lambert Wilson (intense) et de Michael Lonsdale (immense) ? Alors, évidemment, c'est une histoire vraie. Beauvois ne prétend pas d'avoir atteint à la vérité (laquelle d'ailleurs ?). Non, c'est l'oeuvre cinématographique, la fiction, qu'il faut couvrir d'éloges. Ces moines étaient des hommes, pas des dieux. Le reste n'est que silence.



08/09/2010
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