Le printemps du cinéma tchèque (2)


La fête et les invités (O slavnosti a hostech, Jan Nemec, 1966).
Né en 1936, Jan Nemec est l'une des grandes figures de la nouvelle vague tchèque. La fête et les invités, sous des dehors absurdes et bunueliens, est une métaphore/critique à peine voilée de l'embrigadement des citoyens par une dictature et la façon dont celle-ci obtient leur soumission. Au début du film, un pique nique champêtre (dialogues à la Ionesco) est interrompu par un groupe d'hommes inquiétants qui s'amusent à jouer de leur autorité à leurs dépens, en "plaisantant". S'ensuit un banquet où les invités s'inclinent progressivement devant les demandes des hôtes de la fête, jusqu'à pourchasser un fuyard avec l'aide de chiens policiers. La fête et les invités a été interdit à sa sortie, en Tchécoslovaquie.

Du courage pour chaque jour (Kazdy den odvahu, Evals Schorm, 1964).

Jaroslav Lukas, un jeune ouvrier, travaille dans une grande usine de constructions mécaniques. Quelques années auparavant, il est devenu rapidement et facilement un militant politique influent. Après le congrès qui dénonce le culte de la personnalité, il ne sait plus où il en est et perd ses repères politiques et privés. Son amour pour Véra, une jeune décoratrice, s'en ressentira. Un des films symboles de la grande époque du cinéma tchécoslovaque (1960-1970), annonciateur du printemps de Prague. Evald Schorm, un des réalisateurs phares de l'époque, surtout pour ses documentaires, abandonnera le cinéma après 68. Du courage pour chaque jour est une chronique amère, sociale, un peu décousue, qui rappelle les belles heures du Free cinema britannique, en particulier les premiers films de Tony Richardson.



Les fruits du paradis (Ovoce stromu rajskych jime, Vera Chytilova, 1969)
Mais qu'est-ce donc que cet OVNI ? Une relecture métaphorique et psychédélique de l'histoire d'Adam et Eve ? Oui, en quelque sorte, bien que le but poursuivi par Vera Chytilova semble bien difficile à saisir, un an après les événements de Tchécoslovaquie. On peut plutôt opter pour une parabole de la société dans laquelle la place des femmes est réduite à la portion congrue, objets de désir et basta. Les fruits du paradis est le film paroxystique de Vera Chytilova, celui où elle pousse l'expérimentation le plus loin, un cinéma avant-gardiste et surréaliste parfaitement étranger au réalisme socialiste. La cinéaste, qui, au contraire de Forman ou Passer, avait choisi de ne pas émigrer, paya les conséquences de cette oeuvre iconoclaste dont l'opacité narrative ne pouvait cacher la critique sous-jacente à l'idéologie en place. Vera Chytilova, interdite de tournage, ne retrouva la mise en scène que 7 ans plus tard ! Le film, lui, reste un objet incongru, avec ses fulgurances formelles, époustouflantes et étranges. Difficile d'aimer ces Fruits du paradis, que même les godardiens et les pasoliniens trouveront bizarres. Difficile aussi de les rejeter en bloc. Juste un OVNI tchèque sans queue mais pas sans tête. Ou l'inverse.



23/06/2010
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