Continent noir : trois polars d'Afrique

Eh oui, le roman policier africain existe. Il est même d'excellente qualité et le plus souvent politiquement engagé.

L'empreinte du renard de Moussa Konaté (Mali)
Beaux et dogons à la fois. Drôle d'enquête que doit mener le commissaire Habib en plein pays Dogon alors que les cadavres s'accumulent dans un petit village. La sorcellerie semble être la cause de ces meurtres mystérieux, une explication qui ne saurait satisfaire le policier dépêché de Bamako. L'empreinte du renard est davantage qu'un polar, c'est une plongée chez les dogons, au coeur de leurs traditions ancestrales qui se moquent des lois de la démocratie malienne. Moussa Konaté conduit son roman tambour battant, dans un style direct et carré qui laisse peu d'espace pour les digressions. Quelques moments de respiration, entre deux assassinats, permettent quand même d'apprécier son humour ... noir. Après la lecture du livre, on se prend à trembler pour son auteur. N'en a t-il pas trop dit sur les coutumes des dogons et ne risque t-il pas, lui aussi, d'être victime de magie ... noire ?

Si la cour du mouton est sale, ce n'est pas au cochon de le dire de Florent Couao-Zotti (Bénin)
"Si tu as échappé au crocodile en te baignant, prends garde au léopard sur la berge." Des sentences comme celles-ci, proverbes béninois, Florent Couao-Zotti en a 24 à proposer, soit autant que de chapitres d'un polar au titre évocateur : Si la cour du mouton est sale, ce n'est pas au cochon de le dire. Un polar noir comme les nuits africaines, où des prostituées aux longues jambes, un malfrat libanais et un détective miteux cavalent pour récupérer une valisette bourrée d'héroïne. Les cadavres se ramassent à la Peul, les coups fourrés abondent et les courses-poursuites se multiplient dans ce récit picaresque au rythme époumonant. Voir Cotonou et mourir.

Les cris de l'innocente de Unity Dow (Botswana)
Peut-on parler de polar à propos de Les cris de l'innocente, le roman de Unity Dow ? Il serait plus juste d'évoquer un thriller dont la toile de fond est un petit village du Botswana. Unity Dow ne se contente pas d'écrire des fictions, elle est juge à la Cour suprême du Botswana et a rédigé plusieurs rapports sur la condition des femmes et des enfants dans son pays. L'affaire dont il est question dans Les cris de l'innocente est un meurtre rituel perpétré sur une jeune fille nubile. Une horreur absolue. Unity Dow maîtrise parfaitement les codes du roman policier et le livre est riche en rebondissements et situations extrêmes. Mais l'intérêt réside dans la description d'une démocratie corrompue où les enquêtes vont rarement à leur terme, où les pauvres n'ont pas droit à la vérité et à la justice, où les puissants font régner la terreur et imposent le silence par la peur. Le livre est choquant pour ce qu'il révèle et sous-entend. Et surtout courageux, douloureux et lucide.






23/07/2010
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