De la sonate au requiem (Never let me go)
Le roman de Kazuo Ishiguro était un conte
fantastique, éthique, au ton singulier, voire glacial, pour certains.
Son adaptation, signée Alex Garland, est fidèle à son esprit, moins
chargée de mystère, malgré tout, et portée vers le drame romantique,
dans sa dernière partie, sans qu'il soit utile de parler de trahison.
Never let me go est un film à la beauté morbide, mis en scène avec
élégance et fluidité par Mark Romanek, avec de superbes images de nature
et cette histoire de jeunes gens condamnés, dépourvus de libre arbitre,
sans volonté de rébellion. Mort est un mot qui n'est jamais prononcé
dans le film, alors que sa présence est écrasante, inéluctable à très
brève échéance. Ce fatalisme, d'une douceur insupportable, est symbolisé
par trois personnages principaux, incarnés de façon parfaite par des
acteurs à l'unisson parmi lesquels Carey Mulligan, une fois encore
éblouissante et, ici, bouleversante. Le film ne touchera pas chacun de
la même façon, c'est une évidence, et d'aucuns s'y ennuieront sans
doute. Qu'importe. La poésie sombre de cette sonate à la tristesse
insoluble devient un requiem apaisé auquel ne peut succéder que le
silence. Celui des agneaux.