De neige et de sable (Les chemins de la liberté)
L'un des principaux producteurs du nouveau Peter
Weir est le National Geographic Entertainment. Normal, diront les
esprits chagrins, c'est la nature qui est magnifiée dans Les Chemins de
la liberté, pas l'aventure humaine. Ce n'est pas qu'il ont tort, mais
ils n'ont pas tout à fait raison. Ceux qui attendaient de l'épique, du
romanesque et du grandiose en sont effectivement pour leurs frais. Weir,
à l'opposé, a fui tout spectaculaire et a quasiment bridé l'émotion,
hormis la séquence finale, sublime. On en sait et on en saura assez peu
sur ces prisonniers qui fuient le goulag, bravent les froids sibériens,
traversent la fournaise de Gobi et, de Lhassa, franchissent l'Himalaya.
Rien que cela ! A distance de ses personnages, excepté dans une scène
magnifique et quasi biblique dans le désert, le cinéaste australien
signe une oeuvre d'un classicisme qui confine parfois à l'académisme,
sans lyrisme aucun. C'est son choix, justifié sans doute aussi par
l'absence de moyens plus importants (le film a coûté bien moins cher que
Master and Commander). Quoi qu'il en soit, le montage, abrupt et
elliptique, est parfois diablement frustrant. Oui, il faut s'armer de
patience, mais au bout de la dernière dune, à l'approche du Tibet, le
film s'éclaire enfin et dévoile son humanisme discret. Les chemins de la
liberté passent par bien des détours, il en reste un goût de neige et
de sable mêlés, d'une histoire vécue sans héroïsme par ses acteurs, dont
le seul exploit a été, pour très peu d'entre eux, celui de survivre. En
cela, le film est un hommage sincère à ces hommes qui ont fini, morts
ou vivants, par conquérir une liberté chèrement payée.

