Eastwood passe à côté du chef d'oeuvre
Le sentiment d'injustice, et, a fortiori, le combat du pot de terre
contre le pot de fer, composent depuis toujours un terreau idéal pour
le (grand) cinéma. Le label "histoire vraie" donne encore plus de
puissance à l'oeuvre filmée et contribue à l'identification du
spectateur aux victimes de l'arbitraire. Eastwood, dans L'échange,
illustre avec son immense talent une histoire édifiante et étonnante,
et un chef d'oeuvre s'annonçait immanquablement. Ce n'est pourtant pas
le cas pour une raison toute simple : dans sa charge contre les
errements et la corruption de la police de Los Angeles de la fin des
années 20, le metteur en scène force le trait et fait preuve d'un
manichéisme et d'un manque de subtilité auxquels il ne nous avait pas
habitués. Eastwood retrouve heureusement la main, et de quelle façon,
quand il s'attache au portrait de son héroïne, notamment dans la
dernière partie du film, femme au courage et à l'obstination insensés,
incarnée avec une intensité et une luminosité stupéfiante par une
Angelina Jolie tout bonnement admirable.