La vérité et ses dommages collatéraux (Elle s'appelait Sarah)

Pas lu le roman de Tatiana de Rosnay. Pas voulu en savoir trop à l'avance. Une histoire qui trouve sa source dans la rafle du Vel d'Hiv. Ah, mais on a déjà vu ça dans La rafle, non ? En apparence, seulement. C'est le lien entre le passé et le présent qui fournit la trame d'Elle s'appelait Sarah. Oui, mais quand même, diront les esprits chagrins, encore un film, une fiction totale, qui plus est, qui s'intéresse à cette période sombre de notre histoire, n'est-ce pas trop ? Un esprit moins chagrin répondrait que cela compense l'étrange silence du cinéma français, à quelques exceptions près (Les guichets du Louvre), sur cette période et ces événements qu'il est tellement pratique de rayer de la mémoire collective. Passons.
Elle s'appelait Sarah est avant tout un récit sur la vérité, et ses dommages collatéraux. Dans la forme, le film de Paquet-Brenner prend un gros risque en montrant en parallèle deux époques. Et, effectivement, le procédé semble parfois artificiel, et brutal, tant les deux histoires, celle de la petite fille qui se trouve en plein coeur de la barbarie, et celle de la femme d'aujourd'hui qui enquête sur le passé, ont un poids bien inégal. La sobriété de la mise en scène compense, autant que faire se peut, cette construction bancale.
Le film avance, le mélodrame, car c'en est un, se modifie, devient suspense psychologique : Sarah s'en est-elle sortie et comment a-t'elle pu vivre après une enfance pareille ? Le film répond, en partie, mais a l'intelligence de laisser notre imagination prendre le relais. Tout n'est pas explicable et le mystère d'une vie peut rester voilée. Ce qui n'est pas montré est ce qui est le plus beau et émouvant, dans le destin de Sarah, et appartient à jamais à elle seule. Comme à tous ceux qui ont connu l'horreur, que des mots et des images sont incapables de restituer.
Malgré quelques facilités de scénario, surtout dans la partie moderne, Elle s'appelait Sarah bouleverse et interpelle l'essence de notre humanité. Au côté de Kristin Scott Thomas, intense et vibrante, la petite Mélusine Mayance est incroyable. Leurs deux personnages, séparées par plus de soixante ans de distance, ne peuvent évidemment pas se rencontrer. C'est étrange, mais à la fin du film, on a l'impression qu'elles se donnent la main. Une image qui n'existe pas, entraperçue à travers la brume des larmes. Les nôtres.



24/10/2010
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