Merci pour le chocolat (Les émotifs anonymes)
Une bonne comédie, ça n'a l'air de rien, mais
c'est une alchimie complexe, comme une recette de chocolat supérieur. Il
y a l'aspect "air du temps" qui joue mais, fondamentalement, on en
connaît les ingrédients depuis les années 30 (modèle du genre : New
York-Miami de Capra). D'abord, un point de départ original. Le côté "Je
suis timide, mais je me soigne" n'a pas si souvent été traité au cinéma,
moins que celui de la distraction, par exemple. Clarté de l'exposé,
personnages facilement lisibles : Les émotifs anonymes commencent de
façon idéale. L'enchaînement des péripéties, ensuite, doit suivre une
direction logique avec quelques virages serrés pour ne pas être trop
prévisible. Mission accomplie, le film de Jean-Pierre Améris est bien
écrit, avec une focalisation sur un couple central, l'éternel "Boy meets
girl", voyons voir où on peut aller ensuite. Soigner également les
contrepoints, les témoins qui commentent et font avancer le récit : le
psy et les employés de la chocolaterie sont là pour ça. Au passage, une
légère couche de social ne fait pas de mal, situer l'action dans une
TPE, une chocolaterie, qui plus est, est une bonne idée. Le plus
délicat, c'est la mise en scène : timing et sens du rythme à peaufiner,
sans lesquels la comédie fait plouf. C'est le point faible des Emotifs
anonymes, on peut rêver de ce qu'un Wilder ou Edwards auraient pu faire
d'un tel sujet. Certaines scènes sont ici trop longues, d'autres pas
assez développées. On passe outre à cause des comédiens qui sont le
nappage du film et lui donnent du goût. Dans Entre ses mains, le couple
Carré/Poelvoorde fonctionnait sur le mode inquiétant, il est tout aussi
brillant dans le registre de la comédie vu l'abattage impressionnant des
susdits. Ne pas oublier une touche finale un peu surprenante mais
heureuse pour relever le tout. Elle y est, c'est parfait. On peut
déguster. Alors, on dit quoi ? Merci pour le chocolat !

