Un grand film avec Penn (Harvey Milk)
Sans Penn, Milk serait sans peine un grand film (ah oui, en France son titre est Harvey Milk, il faut s'y faire). Que le sujet de départ soit de ceux qui sont prédestinés à donner des oeuvres intenses et puissantes, nul le contestera, mais encore fallait-il que le scénario soit à la hauteur et que la mise en scène de Gus Van Sant épouse avec intelligence et doigté le combat de cette figure historique (le mot n'est pas trop fort) pour les droits des homosexuels (ou les droits de l'homme, tout simplement). Revenu à un cinéma moins expérimental, Van Sant évite le lyrisme, qui aurait été déplacé, et se place du côté des grands maîtres du cinéma américain, dans une grande tradition classique, mélange de rigueur et de fantaisie, tout en étant résolument moderne dans le traitement de son intrigue, étonnant parfois par sa capacité à innover au détour d'une scène. De cette manière, il parvient à casser le moule plutôt rigide du biopic, et le transcende par un montage d'une intelligence rare (les documents d'époque, adroitement intégrés servent parfaitement le style du film et ne semblent jamais des éléments rapportés). Avec Sean Penn, l'oeuvre atteint encore une dimension supplémentaire. Jamais on ne l'a vu ainsi, transfiguré, libre et serein, métamorphosé jusqu'au timbre de sa voix. Une performance qui valait largement un Oscar malgré une concurrence féroce.