Un Oedipe large comme le Saint-Laurent (J'ai tué ma mère)
Xavier Dolan a écrit son scénario à 17 ans, qu'il a filmé deux ans plus tard, en s'octroyant le rôle central. Impossible de parler de J'ai tué ma mère sans donner l'âge de son créateur, soit pour s'extasier de la précocité de l'apprenti cinéaste québécois, soit pour excuser ses maladresses. Le film provoque des sentiments ambivalents : d'un côté, un profond agacement devant son maniérisme : ralentis, journal vidéo en noir et blanc, scènes accompagnées (sans raison) par une bande son à la Wong Kar Wai..., de l'autre, une certaine admiration pour son culot à évoquer frontalement un Oedipe large comme le Saint-Laurent avec un narcissisme assumé et artistiquement maîtrisé, nonobstant quelques redondances dans son récit. J'ai tué ma mère appartient en définitive à une race de films plutôt rares : de ceux qui énervent et dérangent sur l'instant, mais qui semblent se terminer trop vite et...laissent une vraie trace dans leur sillage. Après cet essai en grande partie autobiographique, on est curieux de savoir comment Dolan va évoluer. Si ça se trouve, un grand cinéaste est né !