Amertume, cocasserie and Coe (La vie très privée de Mr Sim)
Amertume, désenchantement, humour and Co(e).
Le nouveau Jonathan Coe, bien qu'inférieur à Testament à l'anglaise et
Bienvenue au club, et en dépit de quelques langueurs monotones, est un
ouvrage hautement recommandable, d'une invention permanente, satire
sociale d'une Grande-Bretagne en perte de repères et critique acerbe des
nouveaux modes de communication, qui rendent nos existences encore plus
solitaires. Maxwell Sim est le prototype de l'anti-héros, pas doué pour
le bonheur, couard et dépressif, parti dans un road-movie (ou plutôt un
road-book) improbable de Reading à Aberdeen. Pathétique Mr Sim, qui
tombe amoureux de la voix féminine de son GPS et revoit défiler ses
souvenirs d'enfance et d'adulte irresponsable, fraîchement séparé de sa
femme et de sa fille. A chaque étape de son périple, Maxwell met la main
sur d'anciens documents qui lui donnent une vision nouvelle de ses
proches et de ce qu'ils pensent de lui (aïe). Pas de quoi lui redonner
le moral, on s'en doute. Au fil du livre, au gré de ses cocasses
mésaventures, Jonathan Coe enfonce la tête de Mr Sim sous la ligne de
flottaison, au point que celui-ci commence à s'identifier à Donald
Crownhurst (navigateur amateur, ce dernier fit croire à l'Angleterre
entière qu'il était en tête de la course autour du monde à la voile, à
la fin des années 60, avant de se suicider alors que sa supercherie
allait être découverte). Bref, Maxwell Sim file un mauvais coton,
situation tempérée par quelques minces motifs de croire à un avenir
meilleur. Le livre recèle moult rebondissements et un cynisme libérateur
qui culmine dans un dernier chapitre formidable et stupéfiant. Lire Coe
est un vrai bonheur, masochiste, certes, mais cela fait tellement de
bien de voir un homme qui nous ressemble, peu ou prou, aller aussi mal,
dans un monde prisonnier des valeurs frelatées de l'ultra libéralisme et
de la communication virtuelle.