Arrangements avec la mémoire (La légende de nos pères)
C'est un vrai bonheur de découvrir un écrivain avec lequel le lecteur tisse d'emblée une relation de connivence, presque intime, qui laisse augurer de nombreux rendez-vous communs à venir. Sorj Chalandon fait partie de ces auteurs dont la petite musique séduit sans qu'il lui soit besoin de convoquer les grandes orgues ou de faire preuve d'un lyrisme flamboyant. La légende de nos pères est un livre précieux pour son style -phrases courtes, recherche du mot juste et évocateur- et ses thèmes : le destin des hommes dans la grande histoire, les petits arrangements avec la réalité, l'héroïsme, la mémoire, la transmission. Pas de sentimentalisme dans le roman de Chalandon, mais une émotion qui point de temps à autre, qui s'efface progressivement et pudiquement derrière le rideau des mots. Une fois la lecture terminée (tristesse), on pense à la sentence du chef d'oeuvre de John Ford, L'homme qui tua Liberty Valance, "Si la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende", ainsi que l'excellent film de Jacques Audiard "Un héros presque discret". Il y a pire comme références.