Contre une vague de dépressions (L'équilibre des requins)
Le début de L'équilibre des requins est un peu
brouillon, impression qui heureusement, se dissipe assez vite. C'est le
genre de roman qui s'apprécie sur la longueur avec une une progressive
compréhension des sentiments de son héroïne, contaminée par une vague de
dépressions autour d'elle et qui tente de survivre malgré tout. Avec
une mère suicidée, un père en vadrouille autour du monde et obsédé par
les squales, la pauvre Sonia est déjà passablement perturbée. Quant aux
hommes qui chauffent épisodiquement son lit, ils ne sont pas très
vaillants non plus. Et pourtant, le roman de Caterina Bonvicini ne se
complait jamais dans des atmosphères sombres. Mélancoliques plutôt, avec
des bouffées de bonheur qui réchauffent le coeur, et une envie de vivre
chevillée au corps. Joliment construit, entre les vidéos marines
envoyés par le père, la lecture des lettres de la mère, les errements de
son ex-mari et de ses amants, le livre suit l'itinéraire en zigzag
d'une Sonia qui explore jour après jour les charmes cachés de Turin.
Impossible de ne pas s'attacher aux pas de cette femme dont la vraie
fragilité est de trop donner d'elle-même pour combler le mal de vivre de
ceux qu'elle aime. Un beau personnage pour un roman vif, chatoyant et
souvent drôle, qui refuse la grisaille du quotidien.