Dans les bas fonds de Londres (Orages ordinaires)
Avec La vie aux aguets, les lecteurs fidèles de William Boyd avaient été pris à revers par sa volonté de s'attaquer à un genre ultra codifié : le roman d'espionnage, tout en se l'appropriant et en se jouant de ses clichés. Mission accomplie, et avec quel talent. Orages ordinaires appartient lui au genre Thriller et Boyd a tenté de lui administrer le même traitement. Le résultat est juste un peu moins convaincant, la mécanique du polar prenant un peu le pas sur le supplément d'âme (et d'humour) qu'on est tenté d'attendre à chacune des livraisons de l'ecrivain britannique depuis Comme neige au soleil (25 ans déjà pour sa parution française). Mais ne faisons pas la fine bouche, la construction de ce roman est de la haute voltige, avec ses multiples intrigues -mais on ne perd jamais le nord- et sa description minutieuse d'un Londres inconnu, quelque part près de Chelsea, des quartiers plus proches du tiers monde que de la capitale branchée, avec la Tamise qui devient un personnage essentiel de ce roman des bas fonds. Si l'argument de départ fait penser à un Douglas Kennedy mal digéré, on est ensuite plutôt du côté de Dickens et, personne ne s'en plaindra. Au passage, Boyd épingle quelques dérives du monde moderne et, en particulier, les agissements pour le moins sujets à caution de l'industrie pharmaceutique. Avec ses rebondissements, sa galerie de personnages hauts en couleur et, surtout, cette vision hallucinante d'une capitale qui ressemble par certains côtés à une ville du moyen-âge, William Boyd signe un nouveau roman qui, d'une façon ou d'une autre, a vocation à devenir un classique.