I bègue your pardon (Le discours d'un roi)
S'il est vrai que l'Histoire bégaie, il est plus
rare que ses principaux acteurs aient du mal à s'exprimer en public.
Pauvre George VI, timide et bègue, que l'on connait finalement peu,
alors que son frère aîné, et sa romance amoureuse avec une américaine
deux fois divorcée, est, d'une certaine façon bien plus célèbre pour
avoir renoncé au trône. Le discours d'un roi raconte une histoire
presque trop belle pour être vraie, une version détournée de Pygmalion,
ou My fair lady, pour parler d'une adaptation fameuse. "Je n'ai pas
voulu jouer un bègue, mais un homme souffrant de l'être" dit Colin Firth
de son rôle. C'est de bien cela dont il s'agit, de cette douleur d'être
incapable de s'exprimer sans paraître ridicule, au risque de passer
pour un benêt. Le film rend parfaitement ces sentiments grâce au jeu
formidable de Firth qu'il serait malséant de dissocier de Geoffrey Rush,
suprêmement subtil dans la malice et la mauvaise foi, pour la bonne
cause. Si l'interprétation est royale, il faut également rendre grâce au
scénario, très intelligent, équilibré entre la chronique historique et
la vie privée du souverain. Les dialogues sont étincelants et l'humour
ravageur et impertinent, ce qui n'étonne pas du cinéma britannique.
Qu'est-ce qui pourrait empêcher alors Le discours du roi de prétendre au
statut de chef d'oeuvre ? Sa mise en scène, essentiellement, bien sage
et dont la théâtralité est parfois gênante. D'autant plus étonnant que
Tom Hooper, dans son précédent film, l'excellent et méconnu The Damned
United, avait démontré qu'il n'était pas particulièrement manchot. Sans
doute que le thème du Discours a un peu bridé la créativité du cinéaste,
qui ne pouvait certes pas faire les pieds au mur avec un tel sujet. Son
classicisme sera sans donc récompensé aux Oscars par une flopée de
récompenses. Mais pour ce qui est de la mise en scène, un Fincher
mériterait bien de lui voler le trophée. I bègue your pardon ...