La dérision de la condition humaine (La maladie)
Il est facile de résumer La maladie, première traduction française de l'écrivain vénézuelien Alberto Barrera Tyszka. Un médecin découvre que son père est atteint d'un cancer incurable, sera t-il capable de lui dire la vérité, et comment ? Ceci est la colonne vertébrale du roman qui, sous un aspect sobre et surtout pas mélodramatique, va se révéler d'une richesse peu commune. Le style de l'auteur est précis et sans tabou quand il évoque les ravages de la maladie, il se fait subtil quant il est question des rapports père/fils, avec tous ces non dits et cet éloignement progressif de deux êtres qui ont leurs propres secrets. A ce thème central, déjà très dense, Barrera Tyszka ajoute une sous-intrigue qui met en lumière la psychologie d'un hypocondriaque qui va peu à peu contaminer l'état mental de l'assistante du médecin. Les deux histoires se répondent, sans se mêler vraiment, dans une construction d'une suprême intelligence et un climat qui n'est pas sans évoquer Gogol, voire Kafka. Et ce, avec une sorte de sérénité et de modestie dans l'écriture, qui contraste avec la douleur que chaque personnage du livre doit affronter, qu'elle soit physique ou morale. Barrera Tyszka a écrit là un livre sur la condition humaine et son caractère dérisoire sans jamais se laisser aller à une quelconque dérive pathétique ou moralisatrice. Un tour de force qui est un coup de maître.