Mille et une nuits ondulantes (Soufi, mon amour)
La quatrième de couverture de Soufi, mon amour d'Elif Shafak (énorme
succès en Turquie) insiste sur la vie d'Ella, américaine BCBG, en fait
une "Desperate Housewife", qui va rencontrer l'amour fou à travers un
soufi mystérieux et écrivain avec lequel elle correspond par courriels.
Ceci n'est que la partie émergée de l'iceberg d'un roman qui se déroule
principalement au 13ème siècle, entre Bagdad et Konya (ville sainte
d'Anatolie). Une histoire d'amour, platonique et fusionnelle, entre un
érudit et un derviche errant, le second convertissant le premier aux 40
règles du soufisme. Ce n'est pas un livre religieux, mais spirituel et
mystique, oui, il l'est assurément. Qu'on se rassure, il est lisible par
n'importe quel mécréant, pour peu qu'il se laisse prendre à la prose
d'Elif Shafak, qui ondule comme une danse du ventre, et envoûte parfois
comme une prestation de derviche tourneur. Soufi, mon amour se dévore
comme un conte des mille et une nuits, enrichi par la multitude des
personnages qui prennent la plume à tour de rôle et donnent leur version des faits : un ivrogne, un
assassin, une prostituée, un saint, un poète etc. Le livre est aux
antipodes de Lait noir et bien loin de La bâtarde d'Istanbul. Le talent
de conteuse de la romancière turque, lui, est toujours intact.