Moisson de vieux films (Décembre/1)


Grand' rue (Calle mayor, Juan Antonio Bardem, 1956)
Dans une petite ville, pour combattre l'ennui, un groupe de désœuvrés monte des farces cyniques. Ainsi Juan fait-il croire à Isabel, une vieille fille de 35 ans, qu'il en est follement amoureux. Si la charge dramatique du film est parfois lourde, l'intérêt est ailleurs, dans la description d'une ville provinciale espagnole des années 50, confite dans ses rituels et ses divertissements puérils, alors que les femmes restent prisonnières des préjugés. Chronique cruelle de la bêtise ordinaire dans un pays qui étouffe sous le joug franquiste. Moins brillant que Mort d'un cycliste, qui date de l'année précédente, un film typique de l'univers de Bardem, grand d'Espagne des années de plomb au même titre que Berlanga.

Dortoir des anges (The Trouble with Angels, Ida Lupino, 1966)
Non contente d'avoir tourné dans une centaine de films, l'excellente Ida Lupino en a aussi mis en scène six. Une femme réalisatrice : véritable exception dans le cinéma machiste d'Hollywood des années 50. Et des oeuvres de qualité, qui plus est, mélodrames ou films noirs. Dortoir des anges, son dernier long-métrage, est une récréation, une histoire de jeunes filles éduquées dans un couvent dont l'espièglerie rend chèvres les bonnes soeurs éducatrices. Avant de rentrer dans le rang, comme de bien entendu. Futile et divertissant.

Le soupirant (Pierre Etaix, 1962)
Bloqués depuis des années pour des problèmes juridiques, les films d'Etaix sont enfin sortis en salles cet été et existent désormais en DVD. Après deux courts-métrages irrésistibles, Le soupirant est son premier long et lui vaut le Prix Louis Delluc. Très axé sur les gags visuels, et sonores, le film témoigne d'une fantaisie lunaire qui l'apparente à Max Linder et Buster Keaton. Inégal, cependant, comme les suivants, pour qu'il puisse prétendre égaler Tati. N'en reste pas moins que l'ensemble de l'oeuvre de Pierre Etaix reste à part dans le paysage cinématographique français et plus que digne d'être (re)découverte.

Le testament du docteur Cordelier (Jean Renoir, 1959)
Téléfilm tourné en à peine dix jours qui se veut une adaptation contemporaine de Dr Jekyll et Mr Hyde. Pas terrible en vérité, avec ses personnages caricaturaux et un Barrault qui surjoue en permanence. Mieux vaut se replonger dans les versions anciennes du roman de Stevenson, à commencer par la meilleure, celle de Mamoulian (1932).


La cousine Angélique (La prima Angelica, Carlos Saura, 1973)
Le film d'avant Cria cuervos. Luis, la quarantaine, retourne en Castille, dans le village de son enfance, pour exécuter les dernières volontés de sa mère défunte. Le passé resurgit, les souvenirs ont un goût amer. Celui d'un été 36. Film typiquement "saurien", dans une veine symboliste qui lui est propre, avec de constants allers et retours entre présent et passé. Le même acteur joue Luis adulte et enfant, accentuant la nostalgie vénéneuse d'une oeuvre parfois trop chargée, comme souvent chez le cinéaste espagnol. Tourné en pleine débâcle franquiste, d'où son pouvoir de catharsis qui n'a plus le même impact aujourd'hui.



19/12/2010
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