Opium du peuple (Un océan de pavots)

Il est de bon ton d'affirmer que le roman d'aventures à la Kipling ou à la Dumas a totalement disparu de la littérature moderne. Tout du moins avec cette haute ambition d'être à la fois fresque historique et saga feuilletonesque embras(s)ant toute une époque. Cela n'est pas faux, mais que ces nostalgiques du passé jettent ne serait-ce qu'un oeil dans le dernier pavé d'Amitav Ghosh, Un océan de pavots, et ils auront tôt fait de comprendre que cet héritier des grands anciens, dont le maître pourrait être Dickens, n'a rien à leur envier, ni le souffle, ni le souci du détail, fruit d'une documentation que l'on devine impressionnante. Avant que de Calcutta la goélette ne cingle, dans une nuit d'encre, vers les lointains rivages de l'île Maurice, Ghosh prend le temps de nous présenter les personnages principaux (une dizaine) qui vont se retrouver à bord. Ils prennent vie les uns après les autres, leurs destinées se mélangeant au gré de l'imagination débordante de l'écrivain, de la campagne indienne, recouverte de pavots, au cul-de-basse-fosse de la prison la plus sordide, en passant par les élégantes propriétés des rajahs. Le romancier tisse sa toile dans un roman choral, avec les fabriques d'opium en arrière-plan, omniprésentes. Le lecteur, emporté par la houle, doit s'accrocher au bastingage et ne pas se laisser happer par le mal de mer, tellement les évènements se bousculent le long du Gange. D'autant que les termes bengalis abondent dans le récit et qu'un glossaire aurait bien été utile.
Après 400 pages, et comme par enchantement romanesque, tous les protagonistes de cette épopée se retrouvent enfin à bord de l'Ibis. Commence alors un huis-clos en mer, étouffant, où la véritable nature des uns et des autres se révèle tandis que, de la cale des coolies à la cabine du commandant, se nouent des intrigues et se mijotent des trahisons. Impossible de ne pas être embarqué, comme par une bourrasque, dans ce voyage au long cours qui ne fait pourtant que commencer. Si Un océan de pavots se déploie sur 600 pages, Amitav Ghosh a d'ores et déjà annoncé que le livre ne constituait que le premier volet d'une trilogie. Il se termine au plus fort de l'action alors que tout semble basculer. Et dire qu'il va falloir patienter au moins deux ans pour connaître la suite ! Trop frustrant !
Un océan de pavots a tout pour devenir l'opium du peuple.



13/09/2010
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