Triangle amoureux (La vie est brève et le désir sans fin)
La vie est brève et le désir sans fin. Beau titre
pour un roman éthéré, insaisissable et, en fin de compte, plutôt
décevant. Patrick Lapeyre a obtenu le prix Femina, pour ce livre, son
plus ambitieux à ce jour, mais on en vient presque à regretter la
légèreté sans prétention de ses ouvrages précédents, Welcome to Paris,
par exemple. Et s'il s'agit d'un état des lieux des comportements
amoureux en ce début de siècle, le constat est plutôt désespérant. Les
trois personnages principaux de La vie est brève ... sont énigmatiques,
irrésolus et le plus souvent apathiques. Un trio sans envergure, aux
désirs flous, à la conduite sentimentale erratique. Prenez Louis
Blériot, lui, c'est simple, à l'instar de son homonyme célèbre, il donne
l'impression de survoler le paysage, faible et incapable de prendre des
décisions (celle de quitter sa femme, notamment). Murphy, l'amant
américain, c'est autre chose, austère et vaguement déprimé dans son
costume de trader, il n'en peut mais. Nora, La femme, tourneuse de têtes
en série, devrait être la figure centrale du roman. Malheureusement,
ses contours sont flous. Elle est cyclothymique, fragile, insondable.
L'écriture de Lapeyre, toujours aussi déliée et fluide, est fort
agréable, quoique l'abus de métaphores soit à la longue un tantinet
agaçante. Le style, c'est bien mais insuffisant. La distance que Lapeyre
impose face aux protagonistes de son triangle amoureux finit par lasser
d'autant qu'il torpille allègrement son histoire avec un dénouement
ouvert qui s'apparente à un "laissez-faire" perturbant. De quoi rester
circonspect devant ce livre qui ne tient pas les promesses de son titre.