Trois hommes et des femmes (Homo Erectus)
Tonino Benacquista a un véritable don pour
embarquer d'emblée ses lecteurs dans une histoire originale et riche de
promesses. Il n'est pas le seul, van Cauwelaert et Bruckner, par
exemple, ont aussi ce talent des commencements, mais il leur arrive,
plus souvent qu'à leur tour, de ne savoir que faire d'heureuses prémices
et de gâcher leur bonne idée de départ. Ce danger là, Benacquista a
déjà prouvé qu'il savait le contourner en nous entraînant vers des
horizons inattendus. Le tout, avec une fluidité qui semble facile et une
décontraction narquoise qui fait mouche. Homo Erectus commence par la
description d'une réunion secrète d'hommes solitaires, victimes d'amours
malheureuses, qui se donnent rendez-vous régulièrement pour écouter les
témoignages de leurs congénères. Une sorte de mélange entre les séances
des alcooliques anonymes et la franc-maçonnerie, pour faire court. Bien
entendu, le romancier sait qu'il ne tiendra pas 300 pages en égrenant
une multitude de récits de déboires sentimentaux, fussent-ils
passionnants et pittoresques. Le livre se concentre alors sur l'histoire
de trois hommes, très différents, et de leurs rapports avec la gent
féminine. Entre le serveur, qui voit arriver chez lui une squatteuse
mystérieuse, le philosophe, qui entretient une liaison avec une top
model et le poseur de fenêtres, consommateur de prostituées, Benacquista
tisse consciencieusement sa toile, ménageant ses effets, soufflant le
chaud et le froid avec un art consommé de conteur. Il sait où il va, le
bougre, et sème son chemin de petits cailloux, comme autant de
réflexions sur notre époque et sur l'éternelle question des rapports
amoureux. Le roman est de facture classique, solidement arrimé à un
scénario conçu de façon à agripper le lecteur, qui ne peut se libérer de
son emprise. Les femmes sont omniprésentes, pas toujours à leur
avantage, mais pas plus malmenées que l'autre sexe. Ce sont elles qui
ont le dernier mot, dans un dénouement d'une adresse diabolique, qui
renvoie au début du livre, comme une boucle qui se ferme. De la belle
ouvrage, une fois de plus.