Un goût de yourte nature (Tulpan)
La déferlante de (bons) films américains, ces deux derniers mois, aurait pu faire oublier que l'on peut faire de l'excellent cinéma ailleurs sur la planète. Au Kazakhstan, par exemple, où le premier long métrage de Serguei Dvortsevoy, Tulpan, nous entraîne, à la découverte d'un autre mode de vie et de pensée. On n'est pas conquis d'emblée, le rythme est lent, les scènes filmées caméra à l'épaule donnent le tournis. Et puis la magie opère, presque par effraction. Quelques moments d'anthologie laissent pantois : le bouche à bouche avec un agneau qui vient de naître, un ouragan qui balaie l'horizon, une jeune femme qui pleure, seule, au milieu de la steppe, un camion fou qui tressaute sur les pistes au son de Boney M. Et puis il y a la partition musicale, si l'on ose dire, tous ces cris d'animaux, du chameau à la brebis en passant par quelque baudet, qui, hors champ, composent comme une symphonie dissonnante qui emplit l'espace de façon assourdissante. Et de temps à autre, une pincée d'humour, infinitésimale, mais subtile, qui relève le tout. Tulpan est un film rare, rude et tellurique, qui a une saveur sauvage, comme un goût de yourte nature.