Un suisse capricant (Loin des bras)

Pendant les cinquante premières pages de Loin des bras, on se dit "ah, non, encore un roman choral avec une multiplicité de personnages, façon de cacher la faiblesse de l'intrigue." Cette fois ci, l'impression est fausse, et le roman de Metin Arditi (né en Turquie, installé en Suisse francophone) n'en finit pas de séduire par sa légèreté apparente. De courts chapitres permettent à l'auteur de sauter littéralement d'une vie à une autre, sans perdre le fil rouge de son histoire, soit les difficultés financières d'un pensionnat suisse pour enfants, aux parents riches et évanescents. Le rythme capricant du livre, qui rend la lecture délectable, est bien entendu un leurre, une élégance pour ne pas s'étendre sur la solitude terrible des personnages principaux, des enseignants qui ont tous des fantômes en guise d'ombre : perte d'un enfant, homosexualité, démon du jeu, passé collaborationniste (le roman se situe en 1959)... Au fil des pages, le livre ne lâche plus sa proie de lecteur, il se permet des embardées succulentes en hommage à la danse, la littérature, la photographie... Des pages d'euphorie discrète. Ecrit dans un style virevoltant, Loin des bras dissimule ainsi pudiquement les fèlures et les blessures inguérissables. Il y a bien un effet d'accumulation du mal être des professeurs, qui pourrait laisser penser que Arditi en rajoute dans le pathos. Il n'en est rien, à ce gymnaste de l'écriture on passe tout et on se laisse emporter loin des rivages de la littérature compassée. Suisse, peut-être, mais neutre, sûrement pas.



20/10/2009
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