Zafon est aphone (Le jeu de l'ange)
Le retour de Carlos Ruiz Zafon ! Ceux qui trouvent la prose du catalan surfaite n'y jetteront pas un oeil (ils n'auront pas tort) ; ceux qui ont adoré L'ombre du vent craindront un roman bien plus banal (ils auront raison). Le jeu de l'ange est un polar qui revêt les oripeaux du fantastique sans avoir les moyens de ses ambitions. Le récit lui-même, tout d'abord, complexifié au possible pour masquer la minceur de la trame (un pacte satanique) ; le style, ensuite, d'une incroyable fadeur, alignant les clichés au kilomètre, sans aucune vergogne ; les personnages, enfin, qui restent des ombres, hormis le héros (sombre héros soit-dit en passant) dont les idées noires et l'arrogance maladroite le rendent antipathique au possible. Paradoxe du livre : plus les péripéties s'enchaînent, plus le spectateur baille, assommé par l'amoncellement des cadavres et le mystère qui s'épaissit (oh, la, la). Et Barcelone dans tout cela ? L'action est supposée se dérouler dans les années 20 mais jamais Zafon ne nous fait sentir le pavé humide de la ville et les effluves canailles du port (lire plutôt La ville des prodiges de Mendoza pour découvrir le Barcelone de l'époque). Ruiz Zafon est aphone et son Jeu de l'ange se perd dans les dédales d'une intrigue tarabiscotée dont l'âme aurait été confisquée par le Malin. Ce n'est que l'ombre de l'ombre de L'ombre du vent. A peine un souffle, donc.