Camaïeu gris souris (la guerre aux chandelles)
Suite à l'excellent accueil réservé à Lost city
radio, le premier roman de Daniel Alarcon, Albin Michel a eu la bonne
idée de traduire les nouvelles qui l'ont fait connaître
outre-Atlantique, dès 2005. L'ouvrage reflète la personnalité d'un
écrivain à la double culture, américaine et péruvienne, avec un net
avantage pour la deuxième. La guerre aux chandelles, titre générique du
recueil et de l'une des nouvelles, correspond parfaitement à ce que l'on
trouve dans le livre : les personnages d'Alarcon sont en guerre, réelle
parfois, symbolique le plus souvent, avec la société, les préjugés, les
conventions. Alarcon est un observateur urbain, qui dresse des
portraits saisissants des cités qu'il décrit, New York, et, surtout,
Lima, tentaculaire, grotesque, dangereuse, absurde. Ville de clowns,
l'une des nouvelles les plus réussies, raconte comment un journaliste se
déguise en clown pour prendre le pouls de la ville. Fascinante descente
dans les entrailles de la cité, traitée de façon néo-réaliste. Certains
sujets peuvent sembler plus légers que d'autres, comme les difficultés
d'un couple d'exilés de deux pays différents dans Suicide sur la
troisième avenue, mais c'est une leurre, la violence est aussi là,
feutrée et calfeutrée. La guerre aux chandelles est constituée de textes
qui ne se répondent pas vraiment, ni ne se ressemblent, à première vue.
Mais le style de l'écrivain, et même ses thématiques, finissent par
composer un véritable camaïeu, dans les tons gris souris, d'une lucidité
douloureuse, aux aspirations et aux espoirs le plus souvent déçus.
Daniel Alarcon a 33 ans. Il a déjà tout d'un grand.