Deux noires pour une blanche (La couleur des sentiments)

Allons-y d'emblée pour la critique qui ne manque pas de surgir au moment d'évoquer La couleur des sentiments : oui, Kathryn Stockett a suivi un atelier de "Creative Writing" et cela se sent, dans sa façon ingénieuse de faire avancer son roman, dans ses portraits de femmes, d'une minutie et d'une précision qui ne laissent rien au hasard.
2 millions et demi d'américains ont lu le premier livre de Kathryn Stockett. Et combien dans les états du sud, du côté du Mississippi, là même où se déroule l'action, il y a moins de 50 ans ? Pas de doute, la romancière a su saisir l'ambiance ségrégationniste de l'époque, et le choix de décrire les rapports entre domestiques (noires, forcément) et jeunes bourgeoises (blanches, naturellement) aiguise et amplifie cette atmosphère délétère.
En donnant la parole successivement à deux bonnes et une apprentie journaliste de bonne famille, lancées dans une entreprise invraisemblable et hautement dangereuse, Kathryn Stockett a trouvé le cocktail idéal. Deux noires pour une blanche, les deux premières se confiant clandestinement à la troisième pour l'écriture d'un livre témoignant de leur vie quotidienne, ce n'est rien de moins que de la dynamite, dans une société où règne un apartheid décomplexé et lamentable.
Le livre s'étire parfois longuement dans des descriptions maniaques des relations ambigües entre maîtresses et servantes (j'ai failli écrire esclaves) mais tout ceci sonne juste et fort et prépare à la déflagration finale, qui se fait attendre, mais qui ne déçoit pas, au point de tirer quelques larmes sans tomber dans un pathos inconvenant.
Ce n'est pas de la grande littérature ? Non, mais c'est un grand sujet, traité avec nuances et sans manichéisme (ce n'est pas les méchantes blanches contre les gentilles noires, on en est loin). C'est un roman dense, un négatif à Autant en emporte le vent, passionnant comme un documentaire, palpitant comme une fiction. Avec de bons gros morceaux d'humanité dedans. Alors, oublions les ateliers d'écriture, Kathryn Stockett a un don pour la mise en scène et les dialogues remarquable et tient sans peine la distance des 500 pages.
Evidemment, on imagine bien le film qui va en être tiré. Franchement, même avec un Spielberg aux commandes, que diable pourrait-il apporter de plus ?




17/09/2010
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