Un cocktail explosif (Apocalypse bébé)
Le début d'Apocalypse bébé déconcerte quelque peu,
quand on connaît la réputation sulfureuse de l'auteure de Baise-moi. Le
polar semble banal - une enquête pour retrouver une adolescente disparue
- et si l'on apprécie l'écriture enlevée, on a parfois l'impression
d'être dans du sous Fred Vargas. Mais ce sentiment ne dure pas, l'humour
y est caustique, la vision lesbienne et débridée des rapports amoureux,
jubilatoire, sans parler de la critique sociale qui a de la gueule. Un
vrai point de vue sur notre époque se dégage du livre, au même titre que
dans le dernier Houellebecq, autre provocateur en voie de rédemption. Peu après la moitié
d'Apocalypse bébé, Despentes accélère. Son portrait de la "hyène",
personnage pivot, est époustouflant, contondant, acéré, bref, fascinant.
Un morceau d'anthologie. Le style est crû et brillant, le roman entre
alors dans une autre dimension, au-delà du polar anodin qu'il a feint
d'être sur près de 200 pages. Et ça continue pied au plancher, jusqu'à
un dénouement fracassant, qui peut sembler énorme par rapport au reste
du livre, mais qui n'en est pas moins renversant. Ce bouquin a un drôle
de cachet et laisse des traces, comme un bon film de Cronenberg,
faussement tranquille à son démarrage, virtuose dans son développement
avec ce côté choral très réussi, apocalyptique, c'est le cas de le dire,
dans son final. Serein, vicieux, lucide, explosif, le cocktail est
parfaitement dosé. A consumer sans modération.