La mort en partage

Emmanuel Carrère est un cas intéressant : romancier prometteur (La classe de neige, La moustache...), puis cinéaste, il a passé un cap avec L'adversaire, jeu de miroirs étonnant entre un écrivain et un "monstre" de faits divers. Dès lors, terminé les romans traditionnels, Carrère livre Un roman russe, auto-introspection terrible d'un homme mis à nu et de son inadaptation au bonheur. D'autres vie que la mienne, sa dernière oeuvre, est une variation sur le même thème et, même s'il parle toujours de lui (la sérénité enfin conquise ?), il plonge comme en apnée dans des existences qui lui sont proches et qui ont connu l'horreur : la mort d'une épouse, d'une mère ou d'une fille. En évoquant le Tsunami, qu'il a côtoyé, et le combat d'une cancéreuse de 33 ans, Carrère n'évoque la mort des autres qu'à travers l'existence de ceux qui restent, après... Ce n'est pas une littérature angélique ou consensuelle, les phrases y claquent parfois comme des étendards, cruels et sans pudeur, et soulignent la stupeur d'un témoin de ces drames (l'écrivain lui-même) devant le courage au quotidien de ceux qui ont perdu leur raison de vivre. Carrère n'a pas de tabou, il dit la vérité insoutenable de l'absence, les petites hypocrisies comme la bravoure des hommes et des femmes. Son livre est bouleversant parce qu'il ne recherche pas la compassion. Il parle de la vraie vie, dût-elle avoir un goût de cendres.



10/05/2009
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