Parenthèse enchantée au bord du lac (Côme)

Ce serait comme un jour de plein soleil, une sieste à l'ombre de grands arbres, une verre de bon vin à proximité. La lecture de Côme de Srdjan Valjarevic est un délice paresseux, l'euphorie qui s'en dégage est légère et prégnante, comme un parfum dont les effluves persistent. Tout commence par une aubaine miraculeuse pour ce modeste auteur serbe (nous sommes quelques années après la dislocation de la Yougoslavie), invité par la Fondation Rockfeller à séjourner pendant un mois dans une résidence somptueuse sur les rives du lac de Côme. Notre héros, qui se sent un temps dans la peau d'un imposteur, va peu à peu prendre ses marques, dans un climat émollient, et vivre sa vie sans se soucier un seul instant de travailler au roman qu'il est censé écrire, durant sa villégiature. Et Valjarevic de nous conter par le menu les rituels de notre homme ainsi que ses états d'âme, vagues et fluctuants. Il boit, beaucoup, se promène, souvent, et pense, pas mal. Sous la plume de l'auteur, qui manie l'ironie et l'humour "à serbe" comme personne, les jours se suivent et se ressemblent, du moins en apparence. Ce sont les rencontres qui font petit à petit évoluer et s'ouvrir le personnage, en particulier la présence protectrice des serveurs de la résidence, avec lesquels il noue une complicité amusée, et un cafetier et une autre serveuse (Alda), dans la petite ville de Bellagio, où "il fait le mur" pratiquement tous les soirs, et s'enivre plus que de raison. Cela nous vaut quelques passages divins, dans la chaleur d'une connivence de circonstances ou d'une amitié amoureuse avec Alda, bien qu'il ne parle pas l'italien et qu'elle ait du mal à comprendre l'anglais. La communication, ou plutôt la communion, passe par le dessin et l'alcool qui coule comme une source intarissable. Il y a beaucoup de moments précieux dans ce roman, des bonheurs provisoires qui enrichissent l'âme, comme l'escalade répétée d'une colline qui surplombe le lac à l'unisson d'une nature bienveillante et accueillante (ah, cette scène avec un aigle planant dans l'azur). Ce livre est une source de félicité, une parenthèse enchantée pour le héros du roman, avant de retrouver les affres de Belgrade et son existence étriquée, comme pour le lecteur, conquis et comblé, en harmonie avec des paysages qu'il peut jurer avoir vu de ses propres yeux à travers l'écriture souple et joliment moqueuse de Srdjan Valjarevic.



22/01/2011
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