Spasmes des paupières (Grand Paradis)

Grand Paradis d'Angélique Villeneuve est un roman beau et fragile. Fragile, comme son héroïne, Dominique, femme fanée et sans grand avenir, qu'une simple photo, peut-être de son arrière grand-mère, va inciter à revisiter son propre passé, ce père disparu, cette mère absente à elle-même, sa soeur, ennemie intime. Maniaque du détail, à la lisière du sordide et de l'irrationnel, le livre d'Angélique Villeneuve fait parfois penser à ceux de Patrick Modiano. Pour le côté flottant et flou, pour l'enquête sur une personne dont l'existence, en un temps passé depuis longtemps, éclaire d'étrange façon des événements plus récents, mais comme déjà abandonnés à la poussière des souvenirs. Tout est trouble dans Grand Paradis, ce court et superbe roman sur la mémoire, le désenchantement, la peur de la démence. A l'image de cette aïeule qui souffrait de spasmes des paupières : blépharospasme hystérique. Une maladie, une ombre lointaine, qui, inexplicablement sédimente la vie d'une femme d'aujourd'hui. Angélique Villeneuve est une tisseuse de mots, sa langue est poétique et charnue, la souffrance y est comme anesthésiée, ou plutôt domestiquée. Grand Paradis est un livre incertain jusqu'au bout, comme un paysage changeant et blafard dans une lumière d'automne. C'est tout simplement superbe.



23/08/2010
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