Une somnambule argentine (La femme sans tête)
Lucrecia Martel n'est décidément pas une cinéaste facile. L'argentine creuse encore davantage son (exigeant) sillon avec La femme sans tête, une histoire chargée de symboles et assourdissante par le silence de son héroïne, soudain déréglée et déboussolée au sein de la bourgeoisie bien ordonnée de sa ville de province. Lucrecia Martel filme des vides remplis de non dits avec un savoir faire évident mais court le risque d'être prise à son propre jeu. La femme sans tête est parfois apathique et désaxée et semble perdre tout contact avec la réalité. Aux confins du fantastique, la réalisatrice parvient malgré tout à faire passer, comme en contrebande, un certain nombre de messages forts qu'is soient sociaux ou politiques (impossible de ne pas penser aux années de dictature argentine). Avec le même point de départ, en plein franquisme, Juan Antonio Bardem a réalisé en 1955 un chef d'oeuvre : Mort d'un cycliste. Le film de Lucrecia Martel en est une version abstraite et somnambule. Sans en avoir sa puissance romanesque et réaliste.